Faut que j'écrive, bien que ma ligne de vie est en rythme plus plat tu meurs.
Trouver un sujet, m'est venu en sortant chercher des patates dans la remise avec mon tablier de popote. Arrivé là, je n'ai pas de sac pour les ramener. Me revient le geste de l’aïeule, ma chère Lucie. J’attrape les deux coins du tablier ce qui forme un sac improvisé, ou mon kilo de patates et d’oignons prélevés rejoint sans encombre la maison.
Comment j’ai basculé de Mère grand à Georges, c'est la chute de cette note.
J’avais déjà évoqué ici un Georges, le flamboyant prince de Biarritz, à qui je pense chaque fin de mois. Ou presque. Mais là il s’agit d’un autre géant, des Flandres plus particulièrement. Après l’invasion des poules dans notre vie, le mousse, jamais avare de nouveauté, décida d'acquérir un lapin. Elle trouva sur Blanc-Mesnil un éleveur particulier qui revendait sous le manteau, surement en peau de lapin, des rongeurs. Nous voilà donc le long du RERB de si mauvais présage, ou nous faisons l’acquisition moyennant vingt euros de Georges comme elle le prénomma de suite.
Ce machin bien que tout jeune faisait déjà dans les soixante centimètres . Un géant des Flandres qui s’habitua parfaitement dans notre bout de pelouse. Évidemment il fallait le loger. Les cages à lapin de Louis étant remplies de petits bois et petites, nous décidons donc, après une réunion familiale bien plus rapide et efficace qu'une déclaration de politique générale, de lui affecter l’ancienne cabane des filles, en enlevant les carreaux, aussitôt remplacés par du grillage à poule.
Un petit coup de scie sauteuse sur la porte qui s’ouvre alors en deux parties. une vraie écurie.
Mieux ,un palace .
Georges est ravi. Il passe la, deux années de bonheurs, avec moult sorties à s'étendre de tout son long au soleil sur le gazon. Il avoisine le mètre une fois étendu.
La cohabitation avec le chien est zen. Les Georges sont princiers, il ignore royalement le barclé.
Une vie de pacha avec carottes et choux en veux tu en voilà, à bignoler par sa fenêtre.
Niveau entretien, bien moins chiant que les poules. Ce bunny est propre et fait toujours dans une bassine remplie de paille. Étonnant non ?
Mais voilà un matin c'est le drame.
Le mousse me chope avec sa tête des mauvais jours
- Il a dû avoir peur d’une fouine et sa patte arrière semble cassée. Il doit souffrir !
La véto fait la moue. Il faut l'opérer, mais elle ne fait pas ça. Il faut prendre rendez-vous avec un CHIR. Ça coûte des sous. Elle lui file du tramadol. Le lapinou déjà pas nerveux va être grave foncedé. En rentrant, grande discussion avec le mousse qui a un caractère entier, comme sa mère. smiley.
- Je paye avec mes économies !
- Ok on va voir avec l'école des vétos alors. Au moins qu'il forme les jeunes.
A l’origine de cette note, là tout autant déterminée, Lucie, qui avait traversé quatorze et quarante cinq et qui avait une méthode radicale pour les lapins défaillants .
Elle sortait un gourdin court accroché par une ficelle à un clou de la grange et attrapait le gaillard par les deux pattes de derrière .
La d’un seul coup sec derrière la tête, elle l’envoyait ad patrès. Ensuite elle coinçait les deux pattes dans le nœud de la corde du gourdin et suspendait le tout au clou de la porte du poulailler.
Les poules connaissaient le rituel et s’approchaient de la porte dans un amas et un brouhaha digne des soldes.
Au pied de la porte, Il y avait au sol une gamelle en alu de troufion.
Grand-mère sortait de son fameux tablier le petit couteau pointu à tout faire. Elle énucleait l’oeil, ploc, et le sang giclait dans la gamelle avec les derniers soubresauts du bestiau.
Je devais avoir dans les huit ans, peut-être moins. Mais j’en perdais pas une miette.
Ensuite elle incisait les pattes arrière sur cinq centimètres d’un geste sec et précis.
Elle prenait ensuite appui et ‘deshabillait’ jeannot.
Le moment le plus technique. elle passait sa fourrure par-dessus la tête, puis incisait sur les côtés .
La fourrure de lapin renversée, recouverte d’un film de peau encore transparent, finissait tendue sur une branche de noisetier en fourche en forme de V.
Il y en avait un stock aligné sous la grange au-dessus du foin tout au fond. Avec évidemment, plein de grosses mouches les premiers jours. Le marchand de peaux ne passait que tous les mois. Enfin si je me souviens bien.
Ensuite un dernier coup rapide de lame, de bas en haut pour éviscérer. Elle gardait le foie et les rognons, le reste tombait avec force ploc dans le récipient alu. Ce signal déclenchait l'hystérie chez les poules.
Le lapin sacrifié pendait rougeoyant avant de vite être déposé dans le plat en terre cuite.
Le repas du dimanche était prêt .
Elle s’essuyait les mains de chaque côté du tablier, c'est donc héréditaire. Ensuite elle jetait la gamelle sur le sol aux poules ce qui provoquait l'hallali de la basse cour. Plus rapace, ça n’existe pas.
Mais revenons à Georges.
Je l'emmène donc à l'école véto. Il prend le B ou personne ne tique sur ce monstre de sept kilos aux oreilles de vingt centimètres. Je suis sur que si Elon Musk prenait le B aucun quidam ne le remarquerait. C'est un train fantôme, rempli de tous les aliens de la galaxie.
A l'école on me fait signer des papiers, on me rappelle le prix, bien moins cher que chez le véto, mais un bras et un rein tout de même.
Notre Georges va être équipé d’une prothèse en titane
Et wesh. La classe. Bon on me rappelle pour me donner des nouvelles.
Le lendemain soir les nouvelles sont bonnes. L'opération s'est bien passée , Georges se repose. On le garde en observation.
Le jour suivant, il y a quelques complications , on ne peut pas venir le chercher de suite. Il s’est affaibli.Deux nuit plus tard vers trois heures trente je suis tiré du lit par un appel
- Allo p'tit louis ?
- Oui
- Georges est décédé . Nous sommes désolés. On a tout tenté. Suit une longue énumération de termes médicaux que les aficionados de la série urgence maîtrisent, mais pas bibi à trois plombes.
- Ok merci , vous pouvez récupérer la plaque en titane pour un autre ?
- Ce n’est pas possible, c'est à usage unique.
- Ha.
- Que comptez- vous faire pour les obsèques ? vous voulez le récupérer ? Sinon nous avons la crémation à plusieurs ou unique ?
- Hum, non rien de spécial, bonne nuit.
Même le plus vil des pirates.
Merci bien 😡 !
RépondreSupprimerSi j’aurais su j’aurais pas venu ! 🥴
Je ne vous dis pas bonsoir, monsieur.
Hélène
Bonjour Hélène .
SupprimerJ’en suis désolé, mais en cette époque bénie, l’enfance, on savait ce qu’on mangeait. La barquette film plastique n’avait pas submergé le monde.
Et encore je ne me suis pas répandu sur la fabrication du pâté avec cette affreuse machine à manivelle que l’on fixait que la table de la cuisine.
Bon.
Depuis l’aventure Georges, j'évite le lapin.
😉
Un marin ne mange pas de lapin 😉
SupprimerHélène
En fait je suis un très pietre marin. Mais les pirates ne sont pas, de base, formé à la navigation. ;.)
SupprimerQuand nous vivions dans l'Orne, il y a 25 ans, nous avions adopté un lapin qui circulait librement dans la maison... et allait gentiment pisser et chier dans la caisse à sable des chats.
RépondreSupprimerSinon, je me souviens que mon grand-père ardennais tuait les lapins de ma grand-mère exactement comme votre Lucie.
Voilà qui confirme la propreté de Jeannot. Peut-être que cela va renforcer sa nouvelle affectation en NAC, conseillé pour les gamins atteint d'asthme. Nous sommes donc encore quelques-uns à nous rappeler de ce rituel du lapinou. Car il s’agissait bien d’un rite, très codifié, comme un écho d’une période plus lointaine. Ma Lucie, pas gâtée pour la vie à deux, devait assurer seule les tâches généralement laissées au mâle du périmètre.
SupprimerUn roc.
D’ailleurs sa tombe est toujours entretenue par les enfants de la DASS, ou son équivalent à l'époque, qu’elle a élevée, avec ses valeurs , pendant des décennies.
Sans tomber dans le gore, je me souviens de mon grand-père disant que certains de ses amis, pour ne pas endommager la tête du lapin (le morceau préféré de ma mère, soit dit en passant), le suspendaient par les pattes et l'énucléaient SANS l'avoir assommé au préalable. Ce que mon grand-père se refusait à faire.
SupprimerÇa m'étonne qu'à moitié. Pour ce qui est de la tête c'était aussi le morceau préféré de ma grand mère . Mais je pense plus à une coquetterie pour laisser les 'bons' morceaux au reste de la famille. J'ai par la suite mangé les têtes par une sorte de mimétisme, mais la cervelle était ridicule et en dehors des joues y a rien de top. Je me demande même si cela se cuisine encore...
SupprimerChez les gens qui ont des lapins vivants chez eux, peut-être. Pour ceux qui ne connaissent que le lapin pré-découpé en barquette plastique, par moyen d'avoir une tête...
SupprimerJ'ai vu une pleine barquette de têtes dans je ne sais plus trop quel hangar à bouffe.
SupprimerToutes ces histoires d'oreillards me font me souvenir du voisin de mes parents, un vieux célibataire fort gentil prénommé Michel.
SupprimerCe bon Michel qui n'avait jamais élevé ni poils ni plumes s'est soudain mis en tête de tenir des lapins. Tout s'est fort bien passé jusqu'à ce qu'il s'est agit de faire passer de vie à trépas quelques gaillards.
Notre gaillard, pas le lapin, mais Michel... n'a rien trouvé de mieux à faire que de pendre le malheureux garenneau avec un extenseur sur ses fils à linge dans le jardin !
Le truc faisait des cabrioles pas possible et refusait obstinément d'expirer.
C'est mon paternel qui est finalement allé mettre un terme à cette tentative hasardeuse de boucherie.
Belle histoire que celle de Michel et ses lapinous. On aurait pu faire une série de notes de blogs. Je suis presque sûr qu’au final, après l'intervention de ton père , le mimi il l’a mis au four, mais pas mangé son lièvre ou du bout des doigts 😆
Supprimerohhhhhh !!!!!
RépondreSupprimerQuand j'ai compris le contenu de votre note, j'ai pas lu. Que la fin.
Je suis devenue végétarienne à 15 ans car mon oncle, qui vivait à la campagne et avait des poules et des lapins, m'avait offert un lapinou. Ougary (nom pioché dans le Larousse des noms propres) a grandi dans la maison et le jardin, en liberté, comme un chat. Il accourrait quand je l'appelais.
suite (message parti trop vite après fausse manip) :
RépondreSupprimerUn peu plus tard, j'ai croisé une vache en Normandie, dans un champ. Et je me suis dit pourquoi les lapins et pas les vaches ?
C'était un acte politique car quand ma mère faisait un rôti, le dimanche, j'étais quand même alléchée par l'odeur mais PAS TOUCHE !
Depuis que les vidéos de L214 existent, la viande me dégoûte. J'ai aussi arrêté , mais bien plus tard, le poisson (et aussi les crevettes alors que j'aimais tellement ça...).
Je ne conçois plus de voler la vie d'autres êtres pour assurer la mienne.
C'est très compliqué avec mes chats car je sais que je contribue à la pérennité des abattoirs.
J'attends la viande synthétique avec impatience...
P.S. bonne année !
Merci . Meilleurs vœux itoo. Bon je comprends bien que j’ai un peu glissé du côté obscur avec cette note. je ne suis pas végétarien. Je mange de tout. J'évite le lapin, le cheval, et j’ai diminué ma consommation de viande rouge drastiquement.Il reste le cochon. Je suis donc omnivore moi aussi. J’aime bien mon charcutier du marché, un vieux grognon qui a une came de première bourre. Quand j’ai des jours de déjeuner seul je lui prend tripes et andouillettes. Très tradi quoi, mais ma descendance est presque vegan, ça compense mes frasques.
SupprimerJ'avoue, quand le billet est devenu chirurgical, je suis passé à la partie commentaires. Gamin, ça ne me fascinait pas (euphémisme), j'ai vite dit à ma mère d'achever lapins et poules toute seule.
RépondreSupprimerYep ! Je comprends. Mais je voulais restituer ce rituel, si proche pour moi, mais bien ancien aujourd’hui avant qu’il ne soit oublié. Quand je vois les immenses rayons de viande des supermarchés , je repense toujours à la viande du dimanche de Lucie
Supprimerj'en oublie de signer mon commentaire o_O
RépondreSupprimerbon week-end !
Pas de souci, Pour le week end le voilà presque fini. Un jour de plus serait un plus.
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